« On nous apprend que les entreprises ont une âme, ce qui est bien la nouvelle la plus terrible du monde ». Dans son article paru en 1990 intitulé « Post-scriptum sur les sociétés de contrôle », Gilles Deleuze dénonçait avec vigueur le discours annonçant la fin du fordisme et l’avènement d’organisations horizontales, démocratiques et contrôlées par leurs acteurs eux-mêmes.
Du point de vue de la communication, cette citation du philosophe français est révélatrice d’une tendance de fond : celle de l’avènement de l’âge identitaire. Un phénomène qui touche maintenant depuis de nombreuses années les entreprises, où la question de la définition d’une identité propre et différenciante est devenue majeure.
Tirer à la même corde
Si au sein d’une organisation, « âme » il y a, il est à considérer que celle-ci résulte notamment de l’addition des comportements de ses membres. Du président du conseil d’administration au collaborateur en charge de l’accueil, chacun joue un rôle dans la formation de l’image – et donc de l’identité – de l’entreprise vis-à-vis de ses parties prenantes internes et externes. Dans l’idéal, le département communication d’une institution n’aurait qu’à puiser dans ce champ de comportements – qui s’étend à toutes les interactions internes et externes de l’entreprise, de la fabrication d’un produit aux relations avec les fournisseurs, en passant par les relations entre hiérarchie et collaborateurs – pour « créer » une marque forte.
Ces comportements sont régis par des normes légales auxquelles viennent se greffer un règlement d’entreprise et, dans le meilleur des cas, une charte éthique. Ces différentes règles procèdent notamment de la volonté d’une organisation de définir un cadre comportemental clair pour ses collaborateurs. Une fois un certain stade d’homogénéité atteint, c’est entre autres par ce biais qu’une véritable force collective peut se dégager d’un groupe. En somme, tout le monde dans l’entreprise tire à la même corde, ce qui lui permet d’être encore plus solide sur des marchés de plus en plus concurrentiels.
Un sujet souvent pris à la légère
Ces « Tables de la loi » internes gagnent encore en impact auprès des collaborateurs si elles sont accompagnées de valeurs d’entreprise fortes. Véritable boussole au sein d’une organisation, c’est sur cette base que l’ensemble du corpus comportemental édicté par une organisation prend tout son sens et peut devenir « culture d’entreprise ». C’est aussi par leur entremise qu’il est plus aisé d’attirer des clients ou talents, dont le besoin d’identification à l’ensemble des dimensions de l’identité d’une entreprise se fait de plus en plus prégnant.
Or, c’est au stade de leur définition que, souvent, la situation se complique. Faute de temps ou d’une véritable vision stratégique, il arrive que ce sujet ne soit pas abordé en profondeur. Il en résulte des formulations creuses ou peu en rapport avec l’idée que les collaborateurs se font de l’entreprise. C’est ce que nous appelons les valeurs « inefficaces ». La plupart du temps, leur nature neutre, voire banale, ne leur permet pas d’être un point d’ancrage comportemental pour les collaborateurs ni de dégager une aura suffisamment attrayante pour les prospects ou les personnes susceptibles de rejoindre l’institution.
D’abord définir ce qu’est une valeur
Ce problème vient souvent du fait que le sens même de « valeur » a été perdu de vue. À ce titre, il convient avant tout d’articuler toutes réflexions à ce sujet sur la définition même de ce mot : « Ce qui est posé comme vrai, beau, bien, d’un point de vue personnel ou selon les critères d’une société et qui est donné comme un idéal à atteindre, comme quelque chose à défendre ».
En résumé, il s’agit de tendre vers un idéal comportemental reconnu par les collaborateurs et dont ils peuvent être fiers. Selon la manière dont elles sont adaptées pour la communication corporate, clients et talent pourront également y trouver leur compte.
Eviter les lieux communs, fédérer ses collaborateurs
En ce sens, « Professionnalisme », « Confiance » ou « Excellence » sont trois exemples typiques de valeurs inefficaces. Si l’on prend le cas du professionnalisme, nous pouvons considérer que celle-ci n’a que très peu d’impact. Agir de manière professionnelle au travail fait partie du devoir de diligence que chaque collaborateur se doit de respecter, eu égard à la loi.
En d’autres termes, rien ne sert de poser en valeur cardinale un comportement obligatoire ou qui va de soi. La persévérance aurait pu, par exemple, lui être préféré. Ce terme permet en effet d’avoir une vue plus en profondeur de ce qui est attendu d’un collaborateur. Ne pas « lâcher », avoir l’intention de faire la différence chaque jour, représente un véritable idéal à atteindre. Un idéal qui peut également permettre de rassurer ses clients s’agissant de la qualité de ses services ou d’attirer des professionnels se reconnaissant dans une telle valeur.
Autre point important, l’ensemble des membres d’une entreprise doit, comme indiqué auparavant, pouvoir s’identifier à ces valeurs. Parler d’ouverture d’esprit alors que votre institution s’articule autour d’une structure verticale très hiérarchisée ne pourra s’avérer qu’être contradictoire et donc contre-productif. C’est pour cette raison qu’il est fortement conseillé d’intégrer l’ensemble du personnel dans la construction des valeurs d’une entreprise. Il sera ainsi possible de favoriser le processus d’adhésion à ces dernières.
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Christophe Tournier
Content manager